Dans le numéro qui précède, on a posé le cadre historique et le contexte de base pour mieux s’approcher de ce phénomène autant complexe que super fascinant. Dans cet article, on va regarder de plus près le cas des invasions vikings dans les îles britanniques, avec un regard particulier sur l’Angleterre. Êtes-vous prêt(e)s? Alors allons-y!
Comme nous l’avions mentionné, les premiers raids sont enregistrés en Angleterre à partir du 793, date du pillage de l’abbaye de Lindisfarne. À partir de l’année suivante, les attaques se déplacent plus au Nord, précisément dans les Hébrides (des îles au Nord-Ouest de l’Écosse) et dans le Nord de l’Irlande. En 799 on a la première mention d’incursions au Sud, en passant par la Manche, jusqu’au littoral vendéen (à Sud de Nantes). À partir de 807 les pillages se font de plus en plus réguliers et les Vikings pénètrent toujours plus dans l’arrière-pays, en remontant les cours d’eau.
Vers l’année 840 on assiste à un changement de stratégie: ils commencent à bâtir des bases fortifiées, appelées Longphort, pour passer l’hiver dans les territoires soumis à leurs raids au lieu de les quitter et y retourner au printemps. Ces bases fortifiées ont plusieurs fonctions: tout d’abord elles servent de port pour amarrer les Drakkars en un lieu sûr à l’abri des incursions ennemies; ensuite, elles font office de point franc, d’entrepôt et aussi de base commerciale et d’artisanat. On les voit prospérer surtout en Irlande à partir de 841, sur l’île de Thanet (à l’embouchure de la Tamise) une dizaine d’années plus tard et aux Hébrides à partir des années 870. Ces Longphort marquent le début des premières installations viking sur les îles britanniques, ce qui leurs permet de mieux s’organiser et mener des incursions régulières de plus longue durée et de plus longue distance et ampleur.
C’est le cas de «La Grande Armée Païenne» des deux chefs viking Ivar Ragnarsson, dit «le Désossé» et de son frère Halfdan qui, en partant depuis l’actuel Danemark, aborde les côtes de l’Est-Anglie en 865 et s’installe dans les alentours de Norwich. À partir de là, cette armée partie du Danemark mène une grande attaque de plusieurs vagues contre les différents royaumes d’Angleterre (Northumbrie en 866, Est-Anglie en 870, Mercie en 874), jusqu’en 878. Cette année marque la fin des incursions de la Grande Armée. En fait, les Vikings sont définitivement battus par le roi du Wessex Alfred le Grand lors de la bataille d’Edington, suite à laquelle ils sont contraints de se retirer à Chippenham. Après deux semaines de siège, les Vikings se rendent et négocient leur retraite du Wessex. Cela est connu comme le traité de Wedmore, qui marque le début du Danelaw. Ce dernier est un territoire qui comprend la Northumbrie, l’Est-Anglie et la partie Est de la Mercie où s’applique la loi «law» des Danois «Dane». Toutefois, le Danelaw ne met pas fin aux incursions vikings en Wessex et Mercie de l’Ouest, qui se font toutefois de manière plus sporadique et moins organisée. Parallèlement, Alfred met en place une sorte de reconquête: en 886 il libère la ville de Londres des Vikings; en 896, après 4 ans de combat, il parvient à repousser sur le continent des Vikings venus de l’actuelle Belgique, ce qui fait qu’en 899 toute la partie Sud de l’île est unifiée sous son contrôle. Ses successeurs continuent sur le même chemin, ce qui repousse les Vikings toujours plus au Nord et contribue à donner à l’Angleterre presque un siècle de «paix» relative. Entre-temps, suite à la mort du dernier roi viking d’York, Erik à la Hache sanglante, le royaume scandinave en terre anglaise cesse d’exister en 954.
Les raids vikings en Angleterre reprennent, surtout le long des côtes Sud et Ouest de l’île dans les années 980, avec une phase particulièrement intense entre 988 et l’an mille. En 991, l’armée du chef viking Olaf Tryggvasson remonte la Tamise et remporte une victoire à Maldon. À ce point, dans le but d’apaiser les Vikings et limiter ainsi leurs raids, le roi Ethelred II dit «L’Irrésolu» (à cause de sa passivité dans la prise de décisions) commence à payer un tribut annuel aux Danois, appelé Danegeld. Les Anglais continuent à payer le Danegeld jusqu’en 1018 et en presque 30 ans de tribut, on estime que la somme versée aux Vikings s’élève autour de 250’000£ d’argent.
Ceci ne sort guère d’effet, puisque les attaques continuent sous la conduite d’un autre chef venu de Scandinavie: Sven à la Barbe Fourchue, qui mène une série d’expéditions en Angleterre jusqu’en 1014, date à laquelle il meurt suite à une chute de cheval. À sa mort, c’est son fils Knut qui est reconnu roi, et après avoir fait retour au Denmark pour regrouper une nouvelle armée, il débarque dans le Sud de l’Angleterre en 1015 et s’empare du Wessex. Puis, il fait le siège à la ville de Londres et ravage la Mercie, remportant une victoire importante à Assandun (Ashington à nos jours) en 1016, ce qui lui permet d’obtenir le contrôle de la Mercie en un premier temps, et puis de se faire reconnaître seul roi de toute l’Angleterre le mois de novembre de la même année.
En 1019 il rentre à nouveau au Denmark pour récupérer la couronne laissée par la mort de son frère Harald. À ce point il est seul roi d’un empire anglo-danois qui s’étend sur les deux rives de la mer du Nord. En Angleterre, son règne est caractérisé par une politique de réconciliation entre les diverses factions qui minent l’unité du royaume, ainsi que par la protection et la conservation des lois anglo-saxonnes et de l’Église anglicane. Pour mieux gérer le territoire, il confie le gouvernement de l’île à un noble anglais, Godwin de Wessex, qui reste en charge jusqu’à la mort de Knut et la fin de son règne en 1035. À ce point, L’Angleterre est confiée au fils illégitime de Knut, Harold Pied-de-Lièvre, tandis que le Denmark revient à son fils légitime Hardaknut. À la mort de Harold en 1040, son frère Hardaknut réunit les deux royaumes jusqu’à sa mort en 1042, quand Édouard le Confesseur reprend la couronne d’Angleterre et met ainsi fin au royaume anglo-danois.
On arrive enfin à la dernière invasion viking en Angleterre, datée de 1066. À la mort d’Édouard le 5 janvier 1066, les deux fils de Godwin, Harold de Wessex et Tostig se disputent le trône et le premier remporte le duel: il est donc élu roi d’Angleterre le 6 janvier 1066 sous le nom de Harold II. À ce point Tostig, qui n’avait pas abandonné son rêve de devenir roi d’Angleterre, se rend en Scandinavie et obtient le concours de Harald Hardradi, un roi viking norvégien très puissant, devenu illustre à la cour de l’empereur byzantin et qui poursuit le même objectif. C’est donc Harald qui, après avoir rassemblé son armée et sa flotte aux Orcades (on parle d’environ 9000 hommes et 300 navires), dirige la dernière invasion viking de l’Angleterre. En septembre 1066, l’armée de Harald pénètre dans l’embouchure Humber, puis elle remonte la rivière Ouse en direction Nord en se dirigeant vers la ville de York. La ville se rend aux Vikings le 20 septembre, mais 5 jours plus tard les mêmes Vikings sont surpris et battus par le roi anglais Harold à Stamfordbridge. Les deux chefs Harald Hardradi et Tostig meurent au cours de la bataille et les Vikings sont ainsi vaincus, ce qui met définitivement fin à leurs rêves de conquête de l’Angleterre et ouvre la voie aux Normands, guidés par Guillaume de Normandie.
En fait Guillaume suit de très près
ce qui se passe en Angleterre et, une fois reçu la nouvelle de la défaite des Vikings et le conséquent affaiblissement de l’armée de Harold, il débarque à Pevensey (dans le Sud de l’Angleterre) trois jours après la défaite des Vikings à Stamfordbridge, sans rencontrer la moindre opposition. Le matin du 14 octobre 1066, l’armée de Guillaume et celle de Harold s’affrontent à Hastings, dans une bataille qui se révèle décisive pour le sort de l’Angleterre. En fait, si le matin les Anglais semblent avoir pris le dessus, ils finissent par être écrasés par les Normands en fin de journée, probablement à cause de la fatigue d’avoir dû affronter deux batailles et plus de 300 km de marche en même pas trois semaines (18 jours pour être précis). Le cadavre de Harold est retrouvé parmi ceux de ses soldats et l’Angleterre doit se rendre aux Normands de Guillaume, qui reçoit ainsi le surnom de «le Conquérant» (au lieu de celui de «le Bâtard», utilisé jusqu’à ce moment, car son mariage n’a pas été officiellement reconnu par l’Église). Le jour de Noël 1066, Guillaume est couronné roi d’Angleterre en l’abbaye de Westminster, donnant naissance à la dynastie des Normands, qui siège encore aujourd’hui sur le trône anglais: en fait, en tenant aussi compte des branches féminines et cadettes qui se sont alternées, les souverains d’Angleterre sont tous des successeurs directs de Guillaume. Il règne sur le royaume d’Angleterre et le duché de Normandie jusqu’à sa mort, le 9 septembre 1087).
Les deux batailles de Stamford-bridge et Hastings recouvrent donc un rôle crucial: c’est suite à ces deux événements que l’Angleterre devient normande et non pas viking. En fait, à partir du 1066, le territoire anglais ne subit plus de véritables tentatives de conquête de la part des Scandinaves, qui se concentrent sur l’Irlande, l’Écosse et les Hébrides.
Et voilà, ce sera tout en ce qui concerne les Vikings dans les îles britanniques. J’espère que cet article vous a plu et si vous êtes curieux-ses de lire la suite, notamment la fondation du duché de Normandie et l’installation en Italie du Sud, rendez-vous dans les prochains numéros de Découverte Magazine!
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