Mardi 11 juin, à dix heures, j’ai rendez-vous avec Manon Randin, chargée de médiation culturelle au Théâtre du Passage.
Quel âge as-tu, Manon?
J’ai 31 ans.
Parle-moi un peu de ta famille, de ton enfance et de tes études.
Mon papa était cardiologue, il est à la retraite depuis une semaine. Ma maman était infirmière. Elle a arrêté de travailler un moment pour s’occuper de mes deux sœurs et de moi-même, qui suis la plus jeune. J’ai grandi à Yverdon-les-Bains où j’ai fait mon école obligatoire et mon gymnase. J’étais bonne élève. Après, je suis allée à l’UNI, à Lausanne, en Histoire de l’art et Sciences sociales. Je suis partie à Amsterdam, où j’ai vécu quatre ans, pour effectuer un Master en Art appliqué.
Abordons ton parcours professionnel.
Je dois t’avouer que je n’ai pas un parcours typique pour arriver au poste que j’occupe actuellement. J’ai d’abord commencé avec des stages, principalement dans des galeries d’art et des magazines d’art. À la base, je voulais faire mon Master à Zurich. Du coup, après mon Bachelor, je suis partie travailler en Allemagne dans une galerie d’art qui produisait aussi un magazine et œuvrait aussi dans la communication pour une marque de mode. Ensuite, je suis partie à Amsterdam faire mes études mais en parallèle, je retournais travailler, tous les week-end, en Allemagne dans cette société qui était devenue plutôt une boîte de relations publiques. À l’époque, on avait tendance à donner tout ce qui était communication, et surtout les réseaux sociaux, aux stagiaires. Quand j’ai fini mes études, j’en avais un petit peu ma claque du monde de l’art. J’ai cherché du travail à Amsterdam et j’en ai trouvé dans une ONG, qui travaillait sur le futur de l’éducation. J’ai bossé là-bas pendant deux ans en tant que chargée de com. Je n’avais pas fait d’études dans ce domaine mais j’avais de l’expérience. À un moment donné, j’ai eu envie de retourner dans le secteur de la Culture, ce qui, n’étant pas néerlandaise, était impossible à Amsterdam. À mon retour en Suisse, j’ai débuté au Théâtre du Passage, tout d’abord à la communication digitale. Au départ d’une de mes collègues, chargée du Développement des publics, j’ai repris son poste en plus du mien. Ensuite, celle, qui s’occupait de la Médiation, est aussi partie et j’ai repris ce poste, une fonction que j’occupais déjà au Musée de Pully et aussi pour le festival du Cinéma Jeune Public à Lausanne où on donnait aussi des ateliers dans les classes.
Tu parles couramment néerlandais?
Non, pas couramment. Je bossais, pendant mes études, dans des bars, et du coup, j’ai un «hollandais de commande». Je parle anglais, italien et allemand.
Tu travailles depuis combien de temps au Théâtre du Passage?
Quatre ans, et depuis un an, à la Médiation culturelle.
En quoi consiste ton poste ?
Beaucoup de choses différentes. Une grosse partie de mon travail concerne les représentations organisées pour les écoles qui ont lieu en journée, contrairement aux représentations publiques qui se passent le soir. Nous recevons entre neuf et dix mille élèves par année, ce qui est énorme comparé à d’autres théâtres. J’essaie le plus possible d’organiser des ateliers en classe ou au théâtre, avant le spectacle pour que les élèves soient préparés. L’effet, que le spectacle a sur une personne qui a déjà pu parler avec les artistes, se familiariser avec le sujet de la pièce et de la manière dont il sera traité, a un impact considérable. Cette philosophie, qui me tient à cœur, existait déjà avant mon arrivée. Maintenant, nous proposons des ateliers pour une grande partie des spectacles. Pour le coup, cela représente beaucoup de travail. Nous avons des élèves qui viennent de tout le canton. Cela demande une grosse organisation pour aller donner ces ateliers dans les classes et que les artistes soient disponibles. J’ai énormément développé la collaboration avec les associations, notamment l’ADCN, L’AMAR et RECiF, pour qu’elles viennent le plus possible aux représentations scolaires et publiques lorsque c’est possible, ainsi que pour des ateliers préparatoires. La culture inclusive représente aussi un gros dossier important pour faire en sorte que les personne présentant un handicap, qu’il soit physique, cognitif, sensoriel, soient accueillies le mieux possible au Passage. Cela implique de travailler avec d’autres collègues pour la manière dont on écrit, l’architecture, etc… Nous collaborons aussi avec la Fondation Les Perce-Neige. J’aime mélanger les publics en scolaires. Notamment je contacte beaucoup d’EMS de la région pour inviter des personnes du troisième âge, handicapées par une mobilité réduite, une déficience visuelle pour lesquelles nous travaillons à améliorer simplement et humblement l’accueil.
Quelles sont les conditions pour que les associations assistent aux spectacles?
Pour les scolaires, nous faisons notre possible. Du moment qu’il me reste des places, je les propose. En soirée, cela dépend des places disponibles. J’ai de la chance, mon secrétaire général me soutient beaucoup dans ces actions. Pour les spectacles qui coûtent très chers et qui sont déjà remplis, c’est plus compliqué, ce qui est normal. Pour les publics allophones, je mets en avant le cirque, la danse ou le chant. Pour les spectacles avec du texte, je mentionne le niveau pour que les personnes éprouvent du plaisir.
Un spectacle de deux heures de Molière dans le texte, ce n’est pas forcément ce qui donnera le plus de plaisir quand on est en train d’apprendre le français.
Avec qui es-tu en relation dans l’équipe du Passage?
J’ai la chance d’être accompagnée par un civiliste. L’aspect très chouette de la Médiation culturelle, qui est un poste transversal, me permet de travailler avec presque tout le monde, avec ma collègue de la Communication, la technique, la billetterie, avec la direction, etc…
Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier?
Pouvoir permettre à des personnes qui ne viendraient pas, pour x ou y raisons au théâtre, d’en profiter. Pour les scolaires, on se rend bien compte que pour la plupart de ces enfants, ce sera la seule fois qu’ils viendront au théâtre. Et pour les associations, une personne qui ne reçoit même pas un salaire minimum, ne va pas pouvoir offrir à lui, ou à sa famille, des sorties au théâtre.
Tu es une jeune femme fort souriante. Il y-a-t-il une situation professionnelle qui t’agace au point d’en perdre ton sourire?
En scolaire, on nous avait assuré que ce serait une représentation hors j’ai appris 15 minutes avant que c’était une répétition. J’avais 540 élèves qui étaient en train d’arriver en grande salle lorsque j’ai appris cela.
Au cours de cette saison, quel spectacle t’a le plus marqué?
Le Conte des contes d’Omar Porras, de vieux contes de Giambattista Basile, sans les fioritures de Disney, avec une magnifique mise en scène, beaucoup de chants et de danses. Et la saison prochaine, j’ai deux spectacles coup de cœur: La tendresse et Le songe d’une nuit d’été, avec une nouvelle mise en scène super queer avec des drag queens.
Tu vois les spectacles avant?
Exactement. Si je peux, je vais les voir en présentiel et si ce n’est pas possible, je demande aux compagnies de m’envoyer les captations. Je présente toute la saison aux institutions scolaires du canton et aux associations. Si je veux bien cibler et vendre un spectacle, rien de mieux que de l’avoir vu.
Y-a-t-il un metteur en scène dont tu apprécies particulièrement le travail?
Julie Berès, la jeune metteuse en scène française de La tendresse.
Un auteur ou une autrice?
Fabrice Melquiot dont nous avons reçu plusieurs pièces.
Un comédien ou une comédienne?
Charlotte Filou. Nous avons un de ses spectacles, la saison prochaine, sur Louise Michel et la Commune de Paris.
T’arrive-t-il d’aller voir une pièce de théâtre ailleurs qu’au Théâtre du Passage?
Oui, bien entendu, c’est même important. Je trouve que je devrais même aller voir des scolaires ailleurs.
Robert Bouvier, ton directeur va quitter son poste. Quel homme est-il?
Il a la flamme du théâtre en lui, autant en tant que comédien, directeur ou metteur en scène. Il vit, respire le théâtre. Robert Sandoz, féru de théâtre, va reprendre la direction du Théâtre du Passage, début 2025. Impossible d’assurer ce job sans être pris cent pour cent par cet art.
Qu’as-tu apprécié dans Les Diablogues, pièce dans laquelle il joue?
Les Dialogues se joue en extérieur. Nous avons eu plusieurs représentations au Jardin anglais. Je m’occupe de cette tournée sur les communes du littoral neuchâtelois, fin août et début septembre. Ces pièces hors les murs me tiennent beaucoup à cœur. Dans la même ligne de ce qui me plaît dans mon travail, toute personne, qui passe dans la rue, peut venir voir le spectacle dont il n’aurait pas forcément entendu parler ou qui n’aurait jamais vu de pièce. C’est une manière très décomplexée de découvrir le théâtre. On peut venir, partir, passer un moment avec ses enfants dans la place de jeux d’à côté.
Est-ce que tu as joué dans des pièces de théâtre?
Trois ou quatre années, j’ai fait des camps de théâtre avec Gérard Demierre, qui se terminaient par une représentation. Et quand j’étais enfant, j’ai fait de l’impro.
Est-ce que tu vas au cinéma ou es-tu abonnée à une plateforme de vidéo à la demande?
Et quel film t’a marquée?
Les deux. Incendie de Wajdi Mouawad, qui dirige le Théâtre de la colline à Paris et qui écrit incroyablement pour le théâtre. Et aussi, un film en stop motion, Marcel, le coquillage avec des chaussures de Dean Fleischer.
Est-ce-que tu lis beaucoup? Et quel genre?
Oui, beaucoup. Franchement, beaucoup de choses différentes. Vu que je fais quotidiennement l’aller-retour sur Lausanne, je lis au minimum deux heures par jour. En ce moment, je lis Hamnet, une version un peu féministe de Hamlet. Je lis beaucoup d’autrices. En duo avec une amie, au début de l’année, nous choisissons douze livres que nous répartissons à raison d’un livre par mois. Nous les lisons chacune de notre côté et nous réunissons pour en parler.
As-tu un hobby?
Je cuisine énormément. Récemment, je suis allée au Japon, alors depuis deux-trois mois, je cuisine uniquement japonais. Et j’adore danser, je prends des cours.
Quel est ton plat préféré?
Un truc que j’aime trop, que je fais souvent, la salade d’Hijiki, une sorte d’algue. Ça, avec juste du riz et un œuf mariné dans de la sauce soja, de l’eau et du marin, une sorte de saké plus sucré, c’est trop bon.
Si tu pouvais émettre un souhait qu’un génie exaucerait, lequel choisirais-tu?
Que l’argent ne régisse pas le monde.
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