Un charme qui traverse les âges

Carlos Montserrat

Publié le 07/04/2024

En 1912, le «Neuchâtel» fendait les flots du Lac de Neuchâtel pour la première fois. Sorti du chantier naval Echer et Wyss à Zürich, il n’a eu de cesse depuis de séduire passagers et membres d’équipage. Le voilà qui se refait une beauté jusqu’en avril dans le chantier naval de la LNM dans le port du Nid-du-Crô.

«C’est le fleuron de notre flotte. Il suscite beaucoup d’émotions auprès du public et chez nos collaborateurs même si l’on ne pourrait voir en lui qu’une simple barquette en ferraille». Ces mots,  ce sont ceux du responsable du chantier naval du Nid-du-Crô, Michel Meylan alors que le «roi des flots», le Neuchâtel, trône majestueusement» sous nos yeux dans le hangar d’entretien de la compagnie de Navigation. Car depuis deux mois maintenant, le navire est en cale sèche pour remédier aux méfaits du temps, en particulier ceux de l’humidité. Il faut dire que les défis sont nombreux pour qu’un bateau à vapeur de plus de 112 ans d’âge puisse naviguer. Entre autres tâches, Il faut entretenir la chaudière, véritable cocotte minute, où brûle une flamme à très haute température pour créer de la vapeur d’eau. Il faut aussi que la coque en métal soit protégée des attaques de la rouille, fatale aux embarcations si elle vient à percer l’enveloppe. Prenez encore le bois, même si certains résistent plus à l’eau que d’autres, il finit par pourrir lorsque l’humidité est permanente. Pour les restaurateurs, le défi est donc immense. Rien ne doit être laissé au hasard. Coins et recoins doivent être minutieusement inspectés et «soignés» si nécessaire par les docteurs de ce géant de 180 tonnes de métal. Rencontre avec trois d’entre eux.

On le surnomme Pipo… Capitaine l’été, soudeur l’hiver

Philippe Grandjean alias Pipo est un marin dans l’âme: «Ma passion, c’est d’être sur l’eau et de naviguer. J’aime être proche de la nature.» Le matelot a fait ses armes au sein de la CGN et de la LNM sur les lacs Léman et de Neuchâtel. A 61 ans, il est le doyen des capitaines et le descendant d’une lignée de marins: «Mon grand-père et mon père ont déjà conduit le «Neuchâtel» au siècle dernier, et aujourd’hui c’est mon tour. Je le pilote depuis sa remise à l’eau en 2014. Au début, j’étais le seul aux commandes. Aujourd’hui, il y a deux autres capitaines.» Pour Philippe Grandjean, le «Neuchâtel est bien plus qu’un simple bateau, c’est un retour à l’essentiel: «il n’y a pas 36 manettes sur notre Vieux vapeur. C’est de la navigation à l’ancienne avec deux gouvernails, un à l’arrière et l’autre devant ainsi que deux roues à aube pour se diriger. Ce que j’aime particulièrement, c’est son bruit. Le moteur à vapeur n’est pas bruyant comme le moteur diesel traditionnel. Il est très silencieux et crée peu de vibrations si ce ne sont celles des roues à aube.» Le capitaine de 61 ans voit même des avantages aux inconvénients du «Vieux Vapeur»: «Sur ce bateau, on ne peut pas naviguer tout seul. Le capitaine au gouvernail ne peut ni avancer ni reculer sans les mécaniciens qui se trouvent dans la salle des machines.  C’est un travail d’équipe. C’est ce que j’aime.» Pipo met ses talents de soudeur à disposition pour retaper le Vapeur.

Petzi… Le mécano

Ses collègues l’appellent Petzi comme l’ours matelot de la bande dessinée éponyme. Et cela lui convient bien, voire même très bien. Pierre-Alain Kuert avec le franc parler qui le caractérise n’y va pas par quatre chemins:» il va m’enterrer ce machin.» Comprenez non pas que le Vieux Vapeur constitue une menace pour lui mais bien qu’il soit devenu au fil des années une véritable passion indéfectible. Et d’ajouter: «Ce bateau, c’est un chance historique. C’est une chance aussi qu’il n’ait pas été détruit. Il y a aussi la Maffei, sa machine à vapeur de 1926 qui a été sauvée grâce à ce projet.» Et pourtant Petzi aurait de grosses raisons de se plaindre de son destrier: «C’est le plus petit bateau à roue à aube de Suisse. Le compartiment moteur où je travaille est aussi très petit. Il y fait très chaud, 45 degrés en permanence, et je ne vois pas ce qui se passe en surface.»  Rien ne semble cependant ébranler l’enthousiasme du marin: «Le Neuchâtel est le seul bateau sur lequel je travaille pendant la belle saison. D’une certaine façon, je suis son docteur. S’il n’y a pas un machiniste en cale pour faire marcher la machine à vapeur, les yeux du capitaine en surface pour le pilotage et les bras des matelots pour l’amarrage, le bateau ne peut tout simplement pas fonctionner et les touristes restent en rade.» Petzi conclut en ayant un mot ému pour ses collègues: «Nous sommes une équipe soudée avec un vrai esprit de famille à la LNM.  Nous mettons tous aujourd’hui la main à la pâte avec tout notre coeur pour restaurer Le Neuchâtel.»

Michel, Le directeur

«Le Neuchâtel est un aimant à souvenir. J’ai eu l’impression de vivre un moment hors du temps lors de sa sortie de l’eau au chantier naval. Cela ne s’était plus produit depuis 60 ans. C’est comme si le temps s’était arrêté». A l’instar de ses collègues, Michel Meylan sait que cette restauration est spéciale: «On trouve peu d’objets qui créent autant d’émotions. Cette coque, c’est de l’art nouveau. Ses formes sont arrondies, fines et harmonieuses. On dirait une baleine. C’est impressionnant de le voir hors de l’eau.».  Le directeur s’émerveille devant le patient: «Nous devons fabriquer les pièces sur mesure pour cette restauration. Nous avons des compétences de soudeurs, de charpentiers menuisiers ou encore de peintre dans notre équipe. «Et de conclure: «Il y a aussi beaucoup d’anciennes pièces d’origine sur le Neuchâtel. C’est touchant de se dire qu’autant de personnes ont travaillé sur lui pour gagner leur vie. Aujourd’hui, c’est notre tour. C’est une continuité avec nos ancêtres.»

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